Les conséquences du conflit
et Abdel LABARA BELLO (élève de 3ème)
Conseils, relecture et mise en forme : François SAMSON
Une force conjointe franco-britannique, appelée Force Expéditionnaire Ouest Africaine (en anglais West African Expeditionary Force, WAEF) sous le commandement du général de brigade Charles Dobell, est créée dès le début des hostilités afin de lutter contre les troupes allemandes au Cameroun. Après la prise de Douala par les alliés, celle-ci devient le quartier général de la WAEF et en même temps, le siège de l’administration franco-britannique des territoires conquis.
1. L’échec du condominium franco-britannique et le partage du Cameroun.
A la fin de l’année 1914, la France propose à la Grande-Bretagne, de former avec elle un condominium (une administration franco-britannique conjointe) au Cameroun. Les Français craignent, en effet, qu’à l’issue de la Première Guerre Mondiale, les Britanniques ne s’emparent de tout le Cameroun. Cet accord provisoire détermine les modalités d’administration jusqu’à la fin de la guerre. De plus, il prévoit la nomination des commissions administratives dans lesquelles les deux pays seront représentés.
En janvier 1915, la France et la Grande-Bretagne s’accordent sur ce principe. Cependant, dans les faits, ce régime n'est jamais concrétisé. En effet, les dissensions entre Français et Britanniques ne permettent pas l’effectivité du condominium.
Elles portent sur la question territoriale, mais aussi sur la direction de l’administration conjointe qui débouchent sur une querelle d’autorité : les Britanniques proposent que le général de brigade Dobell soit à la tête aussi bien de l’administration civile que militaire.
Général de brigade Charles Dobell commandant de la West African Expeditionary Force.
(Source : www.wikipedia.org)
Pour les Français, Dobell doit tenir les rênes du commandement militaire alors qu’un Français dirigera l’administration civile. Bien plus, les Britanniques proposent qu’en cas de décès ou d’incapacité de Dobell et afin d’assurer la continuité du service, l’intérim soit assuré par le plus gradé des officiers britanniques en attendant la décision définitive de la France et de la Grande-Bretagne. La France objecte en demandant que l’intérim soit assuré par le plus gradé des officiers qu’il soit Français ou Anglais. Les Britanniques souhaitent aussi que le condominium s’étende sur tous les territoires qu’ils soient conquis conjointement ou séparément, ce à quoi s’opposent les Français pour qui le condominium ne doit s’étendre que sur les seuls territoires conquis conjointement. L’ampleur des divergences se termine par l’échec du condominium et la partition provisoire du territoire.
Les négociations sur le partage commencent dès février 1916. A la surprise des Français, les discussions ont lieu dans le calme et, le 4 mars 1916, les Britanniques donnent leur accord sous conditions :
- Cet accord doit être temporaire jusqu’à la fin de la guerre.
- Ils peuvent utiliser le port de Douala pendant la guerre.
- Douala ne peut être cédée sans leur accord.
- Bornou (région du nord du Cameroun) doit être rattaché au Nigéria
Le but de la Grande-Bretagne étant d’améliorer sa position au Nigéria et d’annexer l’Afrique australe allemande, la France agrandit donc son empire colonial puisqu’elle reçoit la majeure partie du Cameroun. Après avoir réussi à retirer du partage la portion du Neue Kamerun qu'ils avaient dû céder à l'Allemagne à l'occasion de la convention d'Agadir du 4 novembre 1911 (soit près de 275.000 km2), les Français s'octroient les 4/5èmes du territoire restant (425.000 km2) tandis que les Britanniques se contentent du reste (53.000 km2). Cette modestie dans les prétentions britanniques confirme une fois de plus que ces derniers estiment n'avoir pas grand chose à tirer de ce territoire, tout comme au XIXe siècle, lorsque les correspondances adressées par les chefs Duala aux autorités de Londres, les invitant à faire du Cameroun un protectorat britannique, restèrent sans réponse.
A la fin de la Première Guerre mondiale et lors de la conférence de paix de Versailles, le partage du 4 mars 1916 est entériné par les puissances victorieuses. Le Cameroun devient un territoire sous mandat de la Société des Nations (SDN), confié à la France et à la Grande-Bretagne.
2. La conférence de Versailles change le statut du Cameroun.
A la fin de la Grande Guerre, toutes les puissances se réunissent à Versailles, en 1919, pour la conférence de la paix.
Tableau de William Orpen (peintre officiel britannique) représentant les principaux dirigeants alliés
et deux dirigeants allemands lors de la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919
(Source : www.wikipedia.org)
Selon l’article 119 du traité de paix, « l’Allemagne renonce, en faveur des principales puissances alliées et associées, à tous ses droits et titres sur ses possessions d’outre-mer ». Toutes ses anciennes colonies lui sont donc retirées, à savoir le Cameroun, le Togo, le Tanganyika, le Rwanda-Burundi, le Sud-Ouest Africain.
A qui doit revenir désormais ces territoires et sous quel statut ? La formule du mandat est alors proposée et adoptée. Selon cette dernière, les anciennes colonies allemandes dépendront de la Société des Nations (S.D.N) mais seront confiées à une puissance qui en assurera la gestion, sous le contrôle de l’autorité internationale.
La SDN et le régime de mandat
La Société des Nations est une organisation internationale, créée en 1920 pour favoriser l’alliance entre les peuples et le maintien de la paix. Cette idée ne prend véritablement corps qu’en 1918, constituant l’un des quatorze points définis par le président des Etats-Unis, Woodrow Wilson.
Le Palais Wilson (achevé en 1924) à Genève, qui accueillait le siège de la
Société des Nations jusqu’à son remplacement par l’ONU en 1945
(Source : http://www.ville-geneve.ch/histoire-chiffres/geneve-internationale/societe-nations/)
Proposant une coalition générale des nations, ce point est incorporé en 1919 au traité de Versailles, qui met fin à la Première Guerre mondiale, et dont l’entrée en vigueur marque la naissance officielle de la SDN. Avec elle, apparaît le régime international des mandats. C’est ce mode d'administration exercé sous l'égide de la Société des Nations qui s'est donc appliqué aux colonies turques et allemandes.
Les mandats sont divisés en trois catégories, selon l’aptitude présumée de leurs populations à parvenir à l'autonomie :
- Les mandats de type A sont établis pour les anciennes colonies turques, pour lesquelles l'assistance doit durer quelques années seulement. Parmi ces États, l’Irak et la Palestine sont attribués au Royaume–Uni. L’Irak obtient son indépendance en 1932, et la Palestine, après de considérables dissensions internes, se scinde en 1948, en deux principaux États : Israël et la Transjordanie (qui devint plus tard la Jordanie). La Syrie et le Liban sont attribués à la France et obtiennent leur indépendance durant la Seconde Guerre mondiale.
- Les mandats de type B stipulent que la puissance chargée de l’assistance est responsable de l’administration et de la promotion du bien-être des populations concernées, mais ne sont pas conçus dans une perspective d'indépendance à court terme. De telles administrations sont établies pour les ex-colonies allemandes d’Afrique (Togo, Cameroun, Afrique orientale allemande).
- Les mandats de type C, accordent à la puissance chargée de l’administration de gérer les territoires comme s’ils faisaient partie intégrante de son propre système colonial ou territorial. Cela concerne la Namibie, la Papouasie-Nouvelle Guinée, l’État indépendant des Samoa occidentales et les petites îles de l’océan Pacifique.
L’établissement du mandat « B » pour le Cameroun
Le mandat sur le Cameroun est confié à la France et à la Grande-Bretagne, à la suite d’un accord signé le 10 juillet 1919. Il est fixé définitivement par la décision de la SDN du 20 juillet 1922, ci-dessous.
La SDN reste l’autorité suprême sur le territoire, les pays mandataires devant lui adresser un rapport annuel pour rendre compte de leur gestion. Cependant, elle n’impose pas aux Français et aux Anglais la manière d’administrer le Cameroun.
Sur le plan pratique, le Cameroun est toujours traité comme une colonie. Les Camerounais subissent désormais deux types d’organisation administrative différents. Les Français appliquent le système d’administration directe tandis que les Britanniques pratiquent l’administration indirecte. Dans le système d’administration indirecte, la métropole gère le territoire par l’intermédiaire des chefs traditionnels. Les autorités traditionnelles sont maintenues et autorisées à administrer leurs populations sous la supervision et les conseils des autorités coloniales. Dans l’ensemble, les territoires sous mandat britanniques sont placés sous l’égide du gouverneur général résidant à Lagos, capitale de la Fédération nigériane. La partie britannique du Cameroun se trouve ainsi répartie dans les deux provinces du Nigéria : le Northern Cameroons, rattaché au Northern Nigeria et le Southern Cameroons, rattaché au Southern Nigeria. Contrairement aux Britanniques qui ont inséré leur territoire dans la Fédération nigériane, les Français n’intègrent pas leur partie du Cameroun dans l’Afrique Equatoriale Française. Elle devient un territoire autonome placé sous l’autorité d’un commissaire de la république pendant la période de mandat.
La Grande Guerre a donc mis un terme à la domination allemande sur le Cameroun. Ses conséquences politiques sont très importantes puisque l’ancienne colonie allemande est divisée durant près d’un demi-siècle.
Si les mandats deviennent des « territoires sous tutelle » après la Seconde Guerre mondiale, il faut attendre le 1er octobre 1961 pour que les Cameroun français et britannique nouvellement indépendants, soient finalement réunifiés au sein d’une République fédérale puis d’une République unitaire depuis 1972.
Evolution de la situation administrative du Cameroun, de la colonisation allemande
jusqu’à la proclamation de la République unitaire.
(Source : www.wikipedia.org)
Sources :
MVENG E., Manuel d’histoire du Cameroun, Ceper, 1978
EYELOM F., L’impact de la première guerre mondiale sur le Cameroun, L’Harmattan, 2007
NGANDO B-A, La France au Cameroun 1916-1939, L’Harmattan, 2002
HAMENI BIELEU V., Politique de défense et sécurité nationale au Cameroun, L’Harmattan, 2012
(partiellement disponible sur http://books.google.cm/)
D’ALMEIDA-TOPOR Hélène, L’Afrique au XXe siècle, Armand Colin, collection U, 2003
Principales pages Internet consultées :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cameroun_fran%C3%A7ais http://fr.wikipedia.org/wiki/Cameroun_britannique
http://www.statistics-cameroon.org/manager.php?id=11&id2=70&link=8
http://www.cinquantenaires-cameroun.org/fr/histoire.php