Les colonies allemandes en Afrique

Auteurs : Sissa BEKOMBO (élève de 1ère S) et Valérie TAMBEKOU (élève de 1ère S)

Conseils, relecture et mise en forme : Loïc GAUDEAU


          L’Empire colonial Allemand en Afrique est instauré à partir des années 1880 par le chancelier Allemand Otto Von Bismarck (1871-1890) et l’Empereur Guillaume Ier (1871-1888). En effet,  entre les années 1880 et la Grande Guerre, l’Allemagne se lance avec vigueur dans la course aux colonies, appelée aussi « scramble for africa » ou « course au clocher » en français. Il convient de montrer en quoi la présence allemande au Kamerun (1884-1914) s’inscrit dans un projet impérialiste global, qui place l’Allemagne en concurrence avec les futures puissances de la Triple Entente et qui disparaît brusquement avec la Grande Guerre.


Les colonies allemandes en Afrique au début de la Grande Guerre
(Source : Marc Michel, l’Afrique dans l’engrenage de la Grande Guerre, 2013)

 

1. Le Sud-Ouest africain, première colonie allemande en Afrique

          Appliquant parfaitement la formule « Le marchand doit précéder le soldat », l’Allemagne obtient son premier protectorat, le 24 avril 1884 grâce à l’action d’Adolf Luderitz, un riche homme d’affaires, qui parvient à placer le Sud-Ouest africain (Deutsch SüdWestAfrika, actuelle Namibie) sous la protection du deuxième Reich. L’acquisition de ce territoire de 840 000 km² par l’Allemagne se fait au départ sans violence mais la colonisation allemande est, vingt ans plus tard, à l’origine de la révolte des Héréro, l’ethnie majoritaire du Sud-Ouest africain. Une répression très violente est mise en place par  le général Lother von Trotha, qui vise à exterminer cette population. Cela est souvent présenté comme un des premiers génocides de l’histoire, avec la mise en place de camps de concentration sur le modèle anglais expérimenté en Afrique du Sud, quelques années plus tôt. Le massacre des Herero fait plus de 80 000 morts, ce qui réduit la population du Sud-Ouest  africain en 1914 à seulement  100 000 habitants dont 15 700 Européens, majoritairement allemands. Ce chiffre est très important, en comparaison avec le nombre d’Allemands présents à la même époque au Kamerun, environ 2000, ainsi que dans les autres colonies allemandes.


Drapeau du Sud-Ouest africain allemand 
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sud-Ouest_africain_allemand)


          Si l’Allemagne a montré qu’elle pouvait établir sa domination sur des côtes où l’influence britannique était forte, ce territoire suscite peu d’intérêt économique, de par son climat aride qui en fait une zone inexploitable au niveau agricole. Seules deux zones stratégiques sont exploitées : la première située  entre l’Angola, la Rhodésie et l’Afrique du Sud  qui ouvre un accès au fleuve Zambèze ainsi qu’à une grande partie des territoires d’Afrique du Sud ; la seconde située sur l’enclave de Walfich Bay, qui constitue le seul port  donnant sur l’Atlantique. A noter que, si le Sud-Ouest africain possède un réseau de chemin de fer assez développé en 1914, celui-ci n’est pas connecté au réseau ferroviaire de l’Union Sud-Africaine.  

2. Les colonies allemandes en Afrique de l’Ouest

          C’est de la même façon, en instaurant des protectorats, que l’Empire Allemand s’établit, toujours en 1884, en Afrique de L’Ouest, au Togo et au  Cameroun. Bismarck confie à Gustav Nachtigal, ex-consul Allemand à Tunis, la mission de le représenter en le nommant, en mars 1884, Reichskommissar (commissaire impérial) pour le Golfe de Guinée. Nachtigal est donc une sorte de Consul itinérant, représentant le Kaiser et le Chancelier allemand dans cette région.
Il débarque tout d’abord au Togo, où il signe à Togoville, le 5 juillet 1884, un traité de protectorat avec le roi Mlapa III, qui règne sur la région du lac Togo. Le lendemain, le drapeau allemand est hissé à Lomé.


Drapeau du Togoland (Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Togoland)

          En 1885, lors de la conférence de Berlin (novembre 1884- février 1885), les frontières du Togoland sont officiellement reconnues par les puissances européennes. L’Empire allemand annexa près de 85 000 km² de l’arrière pays, ce qui a le don d’exaspérer les populations Kabayé  et Konkomba qui se révoltent. Une fois l’ordre rétabli, le Togoland est présenté par l’administration allemande comme die MusterKolonie, un modèle d’équilibre et de prospérité, afin d’attirer des citoyens allemands qui restent très peu nombreux. Pour un million d’habitants, il n’y a que 360 européens. Il est vrai que le Togo est l’unique colonie équilibrant son budget  et étant autosuffisante financièrement, notamment grâce à une multitude de plantations et au wharf de Lomé aménagé en 1890 puis plusieurs fois reconstruit au cours de la période coloniale.


Vue du wharf de Lomé, en 1928, treize après la perte du Togoland par les Allemands. A gauche, wharf allemand,
abimé par les tempêtes, à droite le nouveau wharf, construit par les Français.  (Source : www.idpao.com)


          Le protectorat sur le Cameroun est donc établi par le même homme, Gustav Nachtigal, une semaine seulement après avoir signé celui sur  le Togoland. Ce statut est notamment présenté par les Allemands comme un moyen de protéger les intérêts des compagnies marchandes Woërmann et Jantzen, installées à Douala depuis 1868, ainsi que les intérêts des chefs locaux. Mais un autre objectif majeur est de s’emparer du Cameroun, avant les Britanniques, avec qui les chefs Duala sont en discussion. Nachtigal (qui tombe malade au Cameroun et meurt quelques mois plus tard) signe deux traités avec les chefs duala, le 12 juillet 1884 puis fait hisser le drapeau impérial Allemand à KamerunStadt (Cameroon Town ; qui devient Douala en 1901), deux jours plus tard. Lorsque le 19 juillet 1884, le consul britannique Hewett, arrive du Nigéria à Douala pour établir un protectorat, il est déjà trop tard, ce qui lui vaut le surnom de « Too late consul ». Confortés par les accords de la conférence de Berlin, les Allemands mènent ensuite la conquête de l’arrière pays, qui ne s’achève qu’au début du XXe siècle.


Drapeau du Kamerun
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Kamerun)

          En 1914, le Kamerun est une colonie solidement contrôlée par les Allemands, dont le territoire vient juste d’être agrandi, suite au traité de Fez (1911), d’environ 250 000 km². Ce traité faisant passer le territoire du Kamerun de 500 000 km² à plus de 750 000 km². Lorsqu’éclate la Grande Guerre, le pays reste néanmoins très inégalement exploité. La mise en valeur est importante dans la région du Wouri autour de Douala, un des meilleurs havres maritimes du Golfe de Guinée, ce qui en fait un enjeu majeur, et dans la région du Mont Cameroun avec plus de 100 000 hectares de plantations sur les flancs du volcan. Le pays est considéré comme riche en promesses agricoles, mais il reste sous équipés en  pistes et chemins de fer, avec seulement deux lignes fraîchement construites : la mittellbahn (ou centralbahn), de 150 km de long seulement, n’atteignant même pas Yaoundé, et la nordbahn qui reliait des concessions de terres et permettait un accès au pays bamiléké, riche en main d’œuvre.

 

3. Les colonies allemandes en Afrique de l’Est

          L’Empire allemand, s’implante en Afrique de l’Est en créant le Deutsch OstAfrika (Afrique orientale allemande).
Cette colonie couvre près d’un million de km² de superficie et correspond à plusieurs territoires : le Tanganyika (la partie continentale de la Tanzanie) et le Ruanda-Urundi (correspondant aux actuels Rwanda et Burundi).


Drapeau de l’Afrique orientale allemande
(source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_orientale_allemande)

          L’Afrique orientale allemande est également créée à la suite de la signature de traités de protectorat avec les chefs locaux, signés en 1884-1885 par Carl Peters, un explorateur allemand qui a obtenu de Bismarck, le doit d’établir des traités en son nom.
La colonisation allemande en Afrique orientale a entraîné de vives résistances, surtout au Tanganyika. En 1886, des manifestations ont lieu dans les villes côtières de Bagamoyo et Pangani, qui sont soutenues par le sultan de Zanzibar. Cela entraine une forte répression allemande.
Depuis Dar Es-Salaam, choisie comme capitale, les Allemands tentent de prendre le contrôle des différentes régions de l’Afrique orientale, entraînant plusieurs révoltes au Tanganyika, plus violentes que les précédentes. En 1891, la bataille de Lugalo, oppose les colons aux populations locales Hehe. Seize ans plus tard, en 1907, éclate une des plus grandes révoltes que les Allemands doivent affronter en Afrique : la révolte Maji-Maji, du nom d’un esprit qui permettrait aux hommes d’être invulnérables face aux balles. La répression qui s’en suit est impitoyable. Cette révolte, qui apparaît comme la première manifestation d’un nationalisme tanzanien, oblige également le gouvernement allemand à assouplir légèrement sa politique coloniale dans ses différentes colonies africaines, pour éviter que ce genre de scénario ne se reproduise.
Dans la région du Ruanda-Urundi, les Allemands établissent une différenciation marquée entre les Hutu et les Tutsi, sur lesquels ils s’appuient pour gouverner, ce qui est parfois présenté comme une des causes du génocide Rwandais de 1994. Mais ils doivent tout de même faire face à une révolte dans l’actuelle Burundi menée par Mwezi Gisabo, qui résiste pendant 8 ans, avant de céder en 1903.
En 1914, 5 000 européens sont installés dans cet immense territoire, dont la mise en valeur est également très inégale. Lorsque débute la Grande Guerre, l’Afrique orientale possède deux lignes de chemin de fer, qui portent le même nom qu’au Kamerun et qui auront une grande importance pour la défense de la colonie : le nordbahn qui met de la côte à la région Kilimandjaro et le centralbhan qui emprunte la même voie que le nordbahn au départ avant de continuer vers le lac Tanganyika.

          L’empire allemand est donc constitué plus tardivement que ceux de ses rivaux français et britannique. L’année 1884 est décisive pour la constitution de cet Empire car l’Allemagne établit, cette année-là, la plupart de ses protectorats en Afrique, tandis qu’au même moment, le chancelier Bismarck organise la conférence de Berlin. A cette occasion, les Européens fixent les règles du partage colonial sur le seul continent encore en majorité inexploré. Au début du XXe siècle, l’Empire allemand s’étend en Afrique centrale, orientale, occidentale et australe, avec plus ou moins de difficultés dans chaque territoire. Ils exploitent ces terres, les peuplent de populations allemandes plus ou moins nombreuses (de 360 Allemands au Togoland à près de 15000 dans le Sud-Ouest africain) et construisent des pistes, des chemins de fer et des plantations de palmier, de coton, de café... L’Allemagne semble donc solidement installée en Afrique en 1914. Ses colonies sont un symbole de puissance et de rayonnement à l’échelle mondiale et sont considérées, du point de vue des colonisateurs, comme bien gérées. La Grande Guerre va pourtant précipiter, quatre ans plus tard, le départ des Allemands du continent, après de violents combats.

Sources :

MICHEL M., L’Afrique dans l’engrenage de la grande guerre, Karthala, 2013

PORTE R., La conquête des colonies allemandes, 14-18 Editions, 2006

NGOH V-J., Cameroun, 1884-1985, Cent ans d'histoire, CEPER, 1990

Plusieurs pages du site wikipedia.org :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_allemand
http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_orientale_allemande
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sud-Ouest_africain_allemand
http://fr.wikipedia.org/wiki/Togoland
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kamerun


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