Les tensions entre les puissances coloniales

Auteurs : Charlotte CREMADEILLS (élève de 1ère S), Nikolas NICOLAS (élève de 1ère S) et Thomas DEVERRE (élève de 3ème)

Conseils, relecture et mise en forme : François SAMSON


          Les rivalités coloniales en Afrique, notamment celles entre la France et l’Allemagne, sont l’une des causes de la Grande Guerre. Vers 1880, la colonisation européenne en Afrique subsaharienne s’accélère. La France, l’Allemagne, le Portugal, le Royaume Uni et la Belgique convoitent le bassin du Congo. En 1884, les grandes puissances décident, en l’absence des Africains, de l’avenir du continent. C’est la conférence de Berlin. Cette conférence, qui fixe les règles du partage de l’Afrique, n’attenue pas les rivalités entre les puissances coloniales. En effet, en 1898, un incident diplomatique sérieux oppose les Britanniques aux Français à Fachoda.


Une du petit journal illustré, vers 1898, évoquant la crise de Fachoda
(Source :  http://fronac.unblog.fr/2009/07/10/crise-de-fachoda/)


          La Crise de Fachoda  (aujourd’hui au Soudan du Sud) est un échec diplomatique français face à des Britanniques, déterminés à garantir leurs intérêts en Egypte. La France sort, malgré tout, relativement gagnante en obtenant immédiatement, en guise de contrepartie, des territoires sahariens du Soudan occidental. Plus tard, elle confirmera cet avantage en « troquant » avec la Grande-Bretagne ce qu’elle ne possédait pas au Soudan contre son hégémonie sur le Maroc. Enfin, la crise de Fachoda a permis aux vieux ennemis de s’allier dorénavant contre l’Empire Allemand.

          Au début du XXe siècle, le Maroc est un des seuls pays d’Afrique qui n’est pas sous domination coloniale, c’est donc un pays libre. Cependant, le Maroc est convoité par les Européens qui veulent y établir un protectorat. Le protectorat est un régime politique affirmant que le pays colonisateur qui s’installe dans un pays, notamment en Afrique, doit protéger ce dernier. Ainsi, les gouvernements européens dictent ce qu’il faut faire tout en laissant le gouvernement actuel en place, ce qui leur évite de l'annexer. De plus, cela leur garantit des intérêts économiques. En effet, leurs entreprises prennent possession des terres, des ressources naturelles et de la main d’œuvre locale.

          Quelques années avant le début de la Grande Guerre, le Maroc est donc l’objet de deux grandes crises internationales, nommées crises marocaines (en 1905 et 1911).

1. La crise marocaine de 1905

          Au tout début du XXe siècle, le sultan du Maroc emprunte beaucoup d’argent à une banque française (BNP Paribas) pour développer son royaume. Cela va conduire la France à augmenter son emprise sur le Maroc.

          En 1904, un accord est conclu entre les partenaires de l'Entente cordiale, le Royaume-Uni et la France, laissant à cette dernière le Maroc comme zone d'influence, le Royaume-Uni se concentrant sur l'Égypte tandis que le nord du Maroc est concédé à l'Espagne. Grâce à cet accord, la France a toute liberté d'agir au Maroc. En échange, elle concède à la Grande-Bretagne le droit d'instaurer sa tutelle sur l'Égypte où la France conserve de fortes positions économiques et financières. Un accord similaire est signé avec l'Italie en 1902, qui accorde une totale liberté d'action aux Italiens en Libye,  en échange de leur désintéressement du Maroc. L'empereur Guillaume II et le chancelier Bülow protestent contre les ambitions de la France. Conformément à sa nouvelle doctrine de Weltpolitik, l'Allemagne veut avoir sa part des conquêtes coloniales.

          Le 31 mars 1905, en vue de protester contre la mainmise de la France, Guillaume II débarque à Tanger, traverse la ville à cheval, va à la rencontre du sultan Abdelaziz pour l'assurer de son appui et lui faire part de son désaccord face aux droits concédés à la France.


Portrait officiel de Moulay Abdelaziz, sultan du Maroc de 1894 à 1908.
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Abd_al-Aziz_du_Maroc)

          Il est prêt à entrer en guerre si la France ne renonce pas à ses ambitions marocaines. Le sultan Abdelaziz, impressionné par ce discours, décide de refuser toutes les réformes préconisées par la France.


Le kaiser débarque à Tanger pour contrer les visées de la France, de l'Angleterre et de l'Espagne sur le Maroc.
(Source : http://w ww.afhp.ma/Histoire_tanger.htm)


          A la suite de l'affaire de Tanger, se tient  une conférence internationale sur le Maroc : la conférence d’Algesiras. Afin d'apaiser les tensions entre les différentes puissances qui se disputent le pays, elle rassemble les principaux pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Autriche-Hongrie, Espagne, Russie, Suède, Belgique, Portugal, Pays-Bas) ainsi que les États-Unis. Cette conférence confirme l'indépendance de l'Empire chérifien, mais rappelle le droit d'accès de toutes les entreprises occidentales au marché marocain, et reconnaît à l'Allemagne un droit de regard sur les affaires marocaines. Toutefois, au grand dam de Guillaume II, la France et l'Espagne se voient confier la sécurité des ports marocains.

2. La crise marocaine de 1911.

          En mars 1911, suite à une révolte et l’appel à l’aide du sultan Moulay Abdelhafid (1908-1912), les Français répriment les émeutes et leur armée est présente à Rabat, Fès et Meknès. En juillet 1911, l'Allemagne provoque un incident militaire et diplomatique, appelé « coup d'Agadir ». Elle envoie une canonnière (navire léger armé de canons), la SMS Panther rapidement relayée par le croiseur Berlin, dans la baie d'Agadir pour protéger ses intérêts au Maroc et défendre ses prétentions sur le pays. Les très vives réactions internationales, en particulier celle de la Grande-Bretagne, surprennent l'Allemagne.


La canonnière SMS Panther, en juillet 1911 dans la baie d’Agadir
(Source :http://fronac.unblog.fr/2009/04/07/3070/)

          Aux termes de longues négociations, les Allemands renoncent à être présents au Maroc en échange de territoires du Congo, en AEF, cédés au Cameroun allemand. Un traité franco-allemand est signé le 4 novembre 1911. Il prévoit un changement de tracé des frontières du Cameroun, qui connaîtront cinq modifications successives jusqu’en 1972.

Evolution des frontières du Cameroun entre 1901 et 1972.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Kamerun

          Cette partie de l’AEF, donnée à l’Allemagne, est perçue comme une seconde Alsace-Lorraine (cédée en 1870 aux Allemands) pour les Français. La France va donc s’empresser d’attaquer le Cameroun pour récupérer ses terres perdues dès le début de la Première Guerre mondiale, comme le soulignait l’historien Jacques Bainville, dans son livre intitulé histoire de France, publié en 1924 et dont voici un extrait.

Deux leçons sortaient de l'affaire d'Agadir : l'une, pour l'Allemagne, que la France menacée gardait son alliance avec la Russie et son entente avec l'Angleterre. L'autre leçon était pour la France : nos concessions ne servaient qu'à convaincre l'Allemagne de notre faiblesse et à la rendre plus belliqueuse. Les deux leçons portèrent. L'Allemagne cessa de s'intéresser au Maroc et elle redirigea son attention sur le Moyen-Orient où la Révolution turque de 1908 et l'avènement de jeunes libéraux nationalistes à la place de la vieille Turquie avaient mis en mouvement, dans l'Europe balkanique et danubienne, les nationalités nouvelles dont les revendications menaçaient l'Autriche-Hongrie, Empire composite. Quant à la France, l'affaire d'Agadir amena au pouvoir les plus nationaux des hommes de gauche. Raymond Poincaré, républicain lorrain, qui n'acceptait pas la formule de Thiers (la politique de l’oubli) d'où était sorti le parti du rapprochement avec l'Allemagne, devint président du conseil en janvier 1912. »
Analyse de Jacques Bainville (historien français), 1924



Sources :

JARRY G. et OTTO. T, Petite histoire des colonies françaises, tome 2, L’Empire, Flblb, 2010

PORTE R., La conquête des colonies allemandes, 14-18 Editions, 2006

www.wikipedia.org

ww.larousse.fr

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