L'Afrique coloniale anglaise et le Congo belge
Conseils, relecture et mise en forme : Luc YOMSI
A la veille de la Première Guerre mondiale, L’Afrique est morcelée en territoires, qui sont des possessions coloniales européennes. Anglais et Belges participent à cette entreprise coloniale en occupant de nombreux territoires dont certains, grâce à leur situation géographique, se retrouvent directement impliqués dans la guerre au Cameroun (1914-1916). Il convient ici de présenter sommairement les territoires africains sous administration anglaise et belge, dont certains ont envoyé des soldats au Cameroun.
1. Les possessions coloniales britanniques au début du XXe siècle
En 1914, la Grande-Bretagne possède déjà l’Empire colonial le plus vaste et le plus peuplé de la planète. Elle occupe une position avantageuse en Afrique et possède des territoires répartis sur tout le continent.
L’Afrique occidentale britannique
En Afrique de l’Ouest, le Royaume-Uni établit sa domination sur quatre territoires : la Gambie, la Sierra Leone, la Gold Coast et le Nigéria. Il s’appuie sur des établissements commerciaux (compagnies à charte) comme l’United African Company ou la Royal Niger Company qui facilitent son implantation dans la région.
Chacun de ces territoires possède alors sa propre organisation administrative :
- La Gambie est la plus petite colonie anglaise d’Afrique (10 300 km2) mais aussi une des plus pauvres. Son territoire est divisé en deux parties : la colonie autour de la ville de Bathurst (aujourd’hui Banjul, la capitale) et le protectorat pour l’intérieur.
- La Sierra Leone, d’une superficie de 72 000 km2, est divisée, comme la Gambie, en deux entités : la colonie pratiquement réduite à la ville de Freetown et à ses environs, existant depuis 1808 et le protectorat pour l’intérieur du pays, proclamé en 1896, qui couvre 99% du territoire.
- La Gold Coast rassemble trois régions, à savoir la colonie proprement dite, correspondant au Sud, l’Ashanti et les territoires du Nord.
- Le Nigéria, longtemps divisé en trois territoires coloniaux (colonie de Lagos, protectorats du Sud et du Nord), est rassemblé, le 1er juin 1914, dans une seule colonie par Lord Lugard. Celui-ci en devient le premier gouverneur et fixe sa résidence à Lagos. Lorsqu’éclate la Grande Guerre au Cameroun, le Nigéria forme donc un ensemble de 900 000 km2, qui va servir de base de départ aux assauts britanniques vers le Nord et le littoral camerounais.
Mais les troupes du corps expéditionnaire franco-anglais qui attaquent Douala, en septembre 1914, ne sont pas recrutées qu’au Nigéria puisque l’expédition partie de Dakar, s’arrête dans plusieurs colonies anglaises pour lever les combattants nécessaires.
Soldats du corps expéditionnaire franco-britannique embarquant à Freetown (Sierra Leone),
en direction de Douala (septembre 1914). (Source : www.gallica.fr)
L’Afrique orientale britannique
Dans cette partie de l’Afrique, trois territoires se trouvent sous la domination britannique : Zanzibar, L’Ouganda et Le Kenya. La politique britannique est moins libérale qu’en Afrique de l’Ouest et la situation y est différente. Il n’y a pas de colonies de peuplement britanniques en Afrique Occidentale, alors qu’en Afrique de l’Est et tout particulièrement au Kenya, les colons sont nombreux. Si bien que, dans ces territoires, se constituent des sociétés multiraciales, comprenant une majorité africaine et des minorités formées par les colons britanniques ainsi que des Arabes et des Indiens.
L’Afrique orientale britannique est, elle aussi, divisée en plusieurs territoires :
- L’Ouganda rassemble plusieurs royaumes, en particulier celui de Bouganda, qui signe en 1900 avec les Britanniques un accord qui lui laisse une réelle autonomie politique. Les autres royaumes se trouvent sous l’égide de l’administration coloniale britannique.
- Le Kenya est la principale colonie de peuplement britannique en Afrique Orientale. Plusieurs milliers d’Européens s’y installent sur les hauts plateaux du Rift Oriental et accaparent les terres fertiles (les White Highlands) qui appartenaient en fait aux agriculteurs kikuyu ou aux pasteurs massai.
- Zanzibar est un protectorat britannique depuis le traité d’Heligoland (1890).
- Le Soudan où s'installent les Britanniques à la suite de la révolte mahdiste, lancée contre la domination égyptienne à partir de 1881. Par une convention signée en 1899, le Soudan devient un condominium anglo-égyptien.
La présence britannique en Afrique australe
A la fin du XIXe siècle, le Nyassaland (Malawi actuel), les deux Rhodésies (Rhodésie du nord et Rhodésie du sud devenues respectivement Zambie et Zimbabwe), le Bechuanaland (Botswana actuel), le Basutoland (Lesotho actuel), le Swaziland mais aussi l’Union Sud-africaine sont rattachés à l’Empire britannique.
- Les Rhodésies sont constituées de part et d’autres du Zambèze, en 1895. Comme au Kenya, les colons s’y installent massivement et accaparent les meilleures terres. Les Africains sont rejetés dans les réserves. La Rhodésie du nord, deux fois plus étendue que sa voisine du sud, compte beaucoup moins de colons blancs.
- Le Nyassaland correspond à la région du lac Nyassa et devient un protectorat britannique en 1891. En 1907, celle-ci prend le nom de Nyassaland. La principale difficulté de ce territoire est l’isolement continental.
- Le Bechuanaland, le Basutoland et le Swaziland deviennent des protectorats britanniques. On les appelle « territoires de la Haute Commission » parce qu’ils relèvent de l’administration du Haut Commissaire de la Grande-Bretagne dans l’Union Sud-africaine.
- L’Union Sud-Africaine voit le jour, en 1910, quelques années après la guerre des Boers (1899- 1902), qui s’achève par la victoire des Anglais. Elle rassemble, outre le Transvaal et l’Orange, les anciennes colonies britanniques du Cap et du Natal. Sa capitale est installée à Pretoria, dans le Transvaal. L’Union Sud-Africaine possède une autonomie importante au sein de l’Empire britannique et participe à la Grande Guerre aux côtés de la « Triple Entente ». Son rôle est décisif dans la conquête du Sud-Ouest africain allemand et de l’Afrique Orientale allemande.
2. Le Congo Belge
En 1914, l’Empire colonial belge n’a rien à voir avec l’Empire britannique. De taille plus modeste, il est encore en formation lorsqu’éclate la Grande Guerre.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, il est l’objet des convoitises françaises, belges, anglaises et portugaises. Avant la Conférence de Berlin (15 novembre 1884-26 février 1885), le roi des Belges, Léopold II, envoie l’explorateur Stanley au Congo. Celui-ci trouve le drapeau français hissé par Brazza (un autre explorateur) à l’endroit qui deviendra Brazzaville. Léopold II, qui souhaite obtenir les deux rives du Congo, est furieux. Brazza réussit en plus, à signer un traité avec le roi Makoko, pour le compte de la France. Non loin de là, les Portugais, déjà présents en Angola, et les Anglais au Soudan, ont, eux aussi, des prétentions sur le Congo.
A la Conférence de Berlin, Léopold II bouscule les prétentions du Portugal. « L’Etat indépendant du Congo », propriété personnelle du roi Léopold II de Belgique, voit le jour avec l’accord des Etats-Unis, et des principales puissances coloniales. Cette entreprise doit surtout sa réussite au soutien de Bismarck, qui préfère voir une petite puissance comme la Belgique dominer les « bouches du Congo », plutôt que la France ou la Grande Bretagne. Malgré l’acquisition du Congo par le roi des Belges, les articles 10 et 11 de l’Acte de Berlin garantissent la neutralité du bassin conventionnel du Congo dans lequel se trouve aussi le Cameroun.
Mais la politique mercantile du souverain belge, les méthodes employées pour récolter le caoutchouc (par exemple, l’on estime qu’il fallait au moins 30 000 récolteurs pendant toute l’année, plus de 3000 pagayeurs, porteurs, ce qui entraînait beaucoup de décès) amènent une commission internationale d’enquête, à publier un rapport accablant sur les perversités du système léopoldien. En représailles, en 1908, le parlement belge procède à l’annexion du territoire (celui-ci n’appartenant plus à Léopold II, mais à la Belgique).
La colonie annexée était quatre-vingts fois plus grande (plus de 2 300 000 km2) que sa métropole. L’Etat belge octroie des concessions (pour le sol et le sous-sol) à des sociétés minières et financières.
Au plan politique et administratif, le statut du Congo, fixé par la charte coloniale de 1908, se rapproche un peu du système français (administration directe). C’est le roi qui, en collaboration avec le ministre des colonies, légifère pour le Congo avec l’assistance du conseil colonial à titre consultatif et nomme un administrateur.
En somme, lorsque débute la Grande Guerre, la Belgique est devenue une puissance coloniale au Congo par l’ambition personnelle de Léopold II et la volonté des nations européennes ayant participé à la conférence de Berlin. En 1914, le Congo belge est encore une jeune colonie. Il est précipité dans le conflit à la suite de l’invasion de la Belgique par l’Allemagne, le 4 août 1914 et se bat aux côtés de la Triple Entente. Une partie de la Force Publique du Congo Belge (environ 20 000 hommes) est mise à disposition des alliés. Environ 500 d’entre eux sont affectés sur le front camerounais aux côtés de la colonne de la Sangha, partie d’Afrique équatoriale Française. Plusieurs milliers de soldats sont également envoyés sur le front d’Afrique orientale.
Soldats de la Force publique belge, lors de la campagne en Afrique orientale en 1918
(Source : www.wikipedia.org)
Sources :
- KI-ZERBO J., Histoire de l'Afrique noire, Hatier, 1978
- COQUERY-VIDROVITCH C., L'Afrique et les Africains au XIXème siècle, Armand Colin, 1999
- JULIEN C-A, MORSY M., COQUERY-VIDROVITCH C., PERSON Y. (sous la dir.), Les Africains, Paris, éd. J.A (Jeune Afrique), 1977.